Chapitre 3 : Un long fil dans la nuit


Quand les bougies furent mouchées jusqu’à la dernière, il resta seul un moment infini. D’un geste leste, il lança le fil précieux en direction de la lune.

Violino regarda longtemps le fil tendu dans la nuit noire. Un seul tour de ce fil enroulait la balustrade du balcon et pourtant il tenait ferme et tendu comme une corde de violon.

Il se risqua à y poser une éclisse. Se sentant en confiance, il trouva même un certain plaisir à tenir en équilibre au-dessus du vide.

Violino, rassuré, se senti aspiré et inspiré.

À la Lune

Lune, ô ma Lune, que n’oserais-je pour toi !
Vois l’infortune de ton violon là-bas.
Nuit traversante, la lumière est ténue;
Quête mendiante, ton ménestrel est nu.

Fil docile, aux éclisses qui glissent,
Mes notes fébriles, timides, m’obéissent.
Si je m’élève comme un vaisseau fragile,
Que ne s’achève mon inspirant exil !

Ô reine d’or, à moi seul promise,
Éclaire encor ma céleste entreprise.
À mes élans en quête d’inspiration,
Donne l’allant, sois l’imagination.

Quand Violino eut la mauvaise idée de s’arrêter de jouer et de jeter un œil derrière lui, il vit que son royaume n’était plus qu’une tache sombre dans la nuit noire. Il sentit qu’il perdait l’équilibre et le fil, balançant de droite et de gauche, n’offrait aucune autre stabilité que celle des mouvements contraires qu’il tenta pour éviter la chute.

« Joue, joue Violino, lui murmura la Lune. Si tu cesses de jouer s’éteindront mes lueurs dans mes plus sombres pleurs … Joue Violino, joue ! »

Violino reprit de plus belle et enchaina les mélodies ; mais il manqua d’inspiration. La Lune pâlit et, dans un immense soupir, disparut.

Violino sentit le fil céleste se dérober sous lui. Son corps tout entier fila dans la nuit glacée, attiré par une force qui l’entrainait vers le bas. L’air glissait entre les cordes les tendant à l’extrême et fit craquer le bois précieux comme un vieux plancher. Violino se sentit partir pensant que c’était la mort qui venait le cueillir.

Et puis, soudain frappé, cogné, griffé, il roula dans une masse griffante et urticante, rebondit et perdit connaissance.

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